mardi 18 septembre 2012

Voyage jusqu’au bout de l’enfer


On en était donc aux 20 kg de bagages et aux adieux déchirants. Je les ai donc quittés, mon amoureux et ma famille (je n’aime pas l’idée que la dernière image qu’ils aient de moi avant longtemps est une fille hoquetant et sanglotant, les yeux rougis prêts à une explosion de larmes à chaque instant, incapable d’ouvrir la bouche sans ouvrir les vannes des yeux. Mais ce ne sont pas des choses qu’on peut contrôler, n’est-ce pas ?) pour passer la douane. Arrivée à la salle d’embarquement, j’ai eu plusieurs pulsions que j’ai réussi à contrôler mais qui m’ont presque fait perdre la tête. D’abord, j’ai eu envie d’acheter une masse de chocolat dans les Duty Free. Allais-je en trouver en Inde ? Est-ce que je ne serai pas trop déprimée là-bas ? Je me suis ressaisie à temps, et je n’en suis pas peu fière. Je me suis formellement empêché d’acheter d’abord un kilo de Milka, puis une énorme barre de Toblerone. Je vais en Inde, ce n’est pas pour prendre du poids, n’est-ce pas ? La deuxième impulsion a été plus grave : lorsque j’ai vu les gens qui attendaient le même avion que moi, heureux de partir, excités par la perspective de revoir leur famille ou de (re)découvrir l’Inde, pour ma part, j’ai eu envie de fuir très loin. Annuler mon billet, dire que c’était une erreur, abandonner mon sac à dos dans la soute avec toutes mes affaires. Si je cours assez vite, est-ce que je pourrai rejoindre ma famille à la station de taxi ? Je me suis grondée et je me suis aspergé le visage, les gens m’ont regardée avec des yeux ronds. Je devais en effet avoir drôle d’allure, avec mon sac de couchage dans une main, mon petit sac à dos de l’autre, et mon portable qui tenait en équilibre quelque part entre les deux. J’ai finalement tenu bon, je suis allée dans l’avion (j’étais dans les derniers à monter) et là, miracle : j’ai un instant cru que je serais seule à cette merveilleuse place avec plein d’espace pour les jambes. Ma joie n’a duré que quelques instants : une indienne (vivant en Allemagne) est arrivée avec son bébé sous le bras. Elle m’a demandé si je voulais bien changer avec son mari, qui était assis très loin, car elle se disait incapable de tenir son bébé (en effet, il n’arrêtait pas de gigoter, agripper mes habits, pousser des petits cris). Je lui ai proposer de changer en cours de vol (j’avoue que j’avais trop peur d’être coincée dans les rangées du milieu, moi qui ai tout le temps envie d’aller aux toilettes et qui ai d’horribles problèmes de circulation). Le mari est arrivé, lorsque je l’ai vu, j’ai immédiatement laissé ma place : je préférais être coincée moi plutôt que lui : il était gigantesque et très en chair, j’avais trop de peine pour lui. Finalement, j’ai pris sa place, près d’un hublot, à côté d’un couple très âgé (j’ai alors pensé à Indian Palace, et je me suis demandé ce que ces gens allaient faire en Inde si ce n’est se payer une vieillesse dorée) et la femme a dit « Olala je suis contente, j’ai de la chance ! Je préfère vous avoir vous à côté de moi que l’autre monsieur ! Tu te rends compte Roger, tu as vu, j’ai de la chance ! » Mon sang n’a fait qu’un tour : je l’ai trouvée odieuse et ne lui ai pas adressé un mot de tout le voyage.
Les 8h sont passées assez rapidement, entre les siestes, la lecture de mon bouquin (une « suite » d’Orgueil et Préjugés qui n’est pas mal réussie) et un film, et puis tous ces moments où on nous a donné des choses à manger ou boire.
Arrivée à l’aéroport, je n’avais toujours pas conscience de la réalité de la chose : j’étais en Inde, pour 10 mois. J’ai traversé l’aéroport, retrouvé le hall de la douane, et je me suis faite accoster par un Sikh en jean avec un turban, qui m’a posé mille questions, que je n’ai pas trop comprises, empâtée de sommeil et me sentant un peu sonnée par tous les évènements. Il m’a demandé pourquoi les français parlaient si mal anglais. Dire que j’en fut blessée est un euphémisme : j’ai marmonné que je n’avais pas parlé anglais depuis longtemps (ce qui est vrai !! Promis, je SAIS parler anglais !!) J’ai donc passé la frontière, récupéré mon gros sac de la soute, et je suis sortie pour trouver un taxi. Il faisait frais dans l’aéroport. A peine sortie, j’ai cru que j’allais fondre comme une glace au soleil. Il faisait nuit et pourtant la chaleur était telle qu’encore une fois, j’ai failli faire demi-tour. Il doit y avoir actuellement 80% d’humidité à Delhi, ce qui rend la chose assez insupportable… J’ai pris un pre-paid taxi (taxi payé à l’avance à un guichet officiel pour éviter les embrouilles indiennes diverses) et encore une fois, je n’ai pas arrêté de me sermonner, de me gronder en me disant que j’étais folle d’être revenue, qu’est-ce que je cherchais là ?!
Dehors, en pleine nuit sur une sorte d’autoroute, des groupes de jeunes trainaient là, des hommes marchaient un attaché-case à la main, des chiens erraient. Que font donc tous ces gens ? Et alors subrepticement, par-delà la moiteur étouffante de l’air, des embardées du taxi, des tentes plantées le long de la route, une odeur a surgi. Ou plutôt, un mélange d’odeurs, de souffre, de putréfaction organique, de terre, de nourriture, d’essence. L’Odeur de l’Inde est venue jusque dans mes narines et instantanément j’ai su que j’avais eu raison de revenir là, et toutes mes barrières sont retombées. Ceux qui ont vu passer ce taxi dans la nuit noire ont pu distinguer une blanche le nez à la fenêtre, essayant de disséquer chaque composant de ce parfum si particulier, si incroyablement repoussant et enivrant, le Parfum de l’Inde.

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22 commentaires:

  1. Je pense que je vais vraiment adorer te lire :
    BIENVENUE EN INDE !!!!!!!!!!!!!

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  2. C'est super de pouvoir suivre tes aventures, bon courage pour les premiers jours et à très vite pour la suite! ;o)

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  3. Ah Blanche, ça y est, c'est l'aventure qui commence ! J'ai aimé lire cet article, j'espère que tu en écriras d'autres, et surtout que tout va bien, que TU vas bien ! :) Des bisous

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  4. Je pense que c'est effectivement dur de partir seule (je te dirai ça vendredi...), mais au final, en Inde, tu n'es jamais seule et tu trouveras toujours une gentille personne pour te remonter le moral, même les pires journées de merde possible.
    J'espère que tout se passe bien, je t'écris un texto avant de partir :)

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  5. Je comprends tes angoisses, tes doutes, ton envie de tout plaquer et de repartir en arrière auprès des tiens, dans ta vie de tous les jours, mais tu as su te dépasser, affronter tes "peurs" et uns fois sur le sol indien...cette attirance pour l'Inde est enfin revenue...Je te souhaite de profiter pleinement de ses 10 mois l'autre bout du monde, je te souhaite de vivre à fond cette formidable aventure qu'il t'est donnée de vivre!

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  6. Le parfum de l'Inde ! J'ai pensé à toi vers 18h ce Dimanche... Très joli texte, très fortes émotions que l'on ressent à la lecture...

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  7. Merci Blanche de nous offrir ces premières impressions!! J'ai cru un instant que tu regrettais ton départ, tu es très courageuse et tu vas vivre plein de choses extraordinaires (facile à dire moi qui suis dans mon canapé en Belgique!). Bref, je pense bien à toi!!! Bizzzz

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  8. Merci pour tes premières impressions Blanche !
    C'est très émouvant de te lire...
    Je ne connais ce pays que par les livres et les films, alors ton récit me fait aussi voyager.
    Bon courage pour la suite !!
    Bisous

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  9. Bon retour en Inde. Tout comme tu as savouré ce parfum de l'Inde, j'espère que tu savoureras chaque moment tout au long de ces 10 mois.

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  10. Bon retour en Inde. J'espère que tu savoureras chaque moment au cours de ces 10 mois.

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  11. Bonjour à toi,
    Je te trouve très courageuse et me suis identifiée à chacun des mots de ton article car je partage le même goût pour l'aventure et l'inconnu. Quoique tu n'es pas en terre inconnue et suis sûre que tu vas vite retrouver tes repères. Au plaisir de te lire

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  12. Quel plaisir de te lire .... encore, on en veut encore !!!!!! bisous

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  13. Tu m'as donné des frissons, Blanche...

    Je suis heureuse et atristée en meme temps. J'aurais aimé que tu sois en Inde , a New Delhi en meme temps que moi. J'y ai rencontré des frenchy girls, mais mes vrais amies ont été des indiennes adorables.

    L'odeur m'a beaucoup repoussé... mais pas toi...

    C'est un excellent début. Je vais lire chacun de tes posts jusqu'à ton retour...

    Good trip and welcome to india blanche...

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  14. Je crois que les angoisses et doutes du depart sont bien normals Blanche....mais tu as pris la bonne decision, tu as tenu le coup et te voila en Inde, respirant ce souffle et cette vie qui te collent a la peau.
    Bises

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  15. Il me tarde de lire la suite de tes aventures indiennes et je me plais a voyager a travers les lignes de tes recits! Bonne continuation!1

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  16. Ohlala... Je suis heureuse d'avoir mis de côté ton article pour le lire au calme et le savourer : c'était magnifique ! Vraiment. Et je crois que toutes ces sensations d'incertitude tu les as décrites parfaitement, même si l'Inde est beaucoup plus loin que la Finlande.

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  17. Hello Miss B… ravi de voir que tu as décollé après l'atterrissage de ton avion… bonne route… Denis

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  18. Tu me fais rêver quel merveilleux voyage tu vas vivre et faire partager quelques choses de fantastiques ici.
    J'ai hâte de lire la suite j'attend les prochains posts avec impatience !!!

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  19. Bonjour,
    Je découvre ton blog par ton passage sur le mien.
    Bienvenue à Bombay, alors .... C'est sympa de redécouvrir les émotions de la première découverte et de revoir l'Inde par les yeux d'une néophyte. (oups, c'est comme pour l'anglais, "no offense!). Ah, les hommes, tous ces hommes, rien que des hommes dans la rue. J'ai à plusieurs reprises essayé de me livrer à des comptages "sur le terrain", mon estimation, c'est 20 hommes pour une femme dans les rues de Bombay!
    Bonne chance, n'abuse pas des lassis, enfin, pas partout!

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  20. C'est plutôt triste qu'en te lisant ce soit un tel "déchirement" de partir. J'avoue te comprendre biensûr, mais il est vrai que pour mon propre départ j'étais dans une telle euphorie que je n'ai pas eu le temps de bien réaliser que je ne verrai plus mes proches pendant un an...
    Ces mois en Inde vont tellement te faire tourner la tête, je te souhaite une expérience riche en découvertes. Cela fait parti je pense des projets que l'on ne regrette jamais. J'aurai, je pense beaucoup de plaisir à te lire...

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